RDC : Le spectre de la guerre civile ?

Afrik-Arabia

25/02/2018

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Le scénario est désormais connu. Pour la troisième marche pacifique organisée par le Comité laïc de coordination, la répression était de nouveau au rendez-vous ce dimanche dans les principales villes congolaises. Après avoir interdit tous les rassemblements dans les rues et coupé les connections internet, SMS et la messagerie WhatsApp, les forces de sécurité congolaises ont pu dispersé toutes les marches par des tirs de gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. Une répression sanglante à huis clos qui aurait fait 3 morts, 45 blessés et une centaine d’arrestations selon un premier bilan provisoire des organisateurs et des Nations unies. Les autorités congolaises dénombrent pour le moment seulement 22 blessées dont 13 policiers, et 8 interpellations.

Police et bérets rouges

Mais le principal enseignement de cette troisième marche anti-Kabila, qui continue de mobiliser dans tout le pays malgré la répression féroce de la police, réside dans l’évolution de la stratégie sécuritaire du chef de l’Etat, avec l’entrée en piste du mouvement de jeunesse du PPRD, le parti présidentiel. Coiffés du béret rouge, ces jeunes militants pro-Kabila se sont invités dans la cathédrale de Kinshasa, dès le samedi soir, la veille de la journée de contestation. Les marches pacifiques devant débuter après l’office du dimanche matin, les bérets rouges comptaient bien camper devant la cathédrale Notre-Dame afin de participer à la messe du lendemain, mais surtout d’empêcher la tenue de la marche et d’en découdre avec les opposants au président Kabila. Une infiltration qui a rapidement semé la panique dans le quartier de la cathédrale au nord de la capitale. Les bérets rouges ont finalement quitté le lieu en début de soirée après une négociation avec la police.

Des jeunes PPRD qui rappellent les Imbonerakure burundais

Plusieurs centaines de militants PPRD étaient arrivés samedi soir à la cathédrale à bord de bus de la compagnie publique de transports, Transco. « Une provocation du pouvoir » pour l’opposition congolaise qui redoute que le entre pro et anti-Kabila ne tournent à l’affrontement. Il faut dire qu’une vidéo montrant un des leaders des jeunes PPRD a particulièrement choqué les réseaux sociaux. On y voit Papy Pungu, président des jeunes du PPRD, haranguer ses troupes en lingala  : « N’ayez pas peur de la soutane (…) Si vous voyez un prêtre, tabassez-le ! Et si vous mourez, vous irez directement au paradis  ! » Pour certains, cette scène ressemble aux tristement célèbres milices burundaises Imbonerakure, qui ont plongé le Burundi voisin dans la violence, la répression aveugle et le chaos. Une dérive dangereuse dans laquelle on peut voir la main du tout nouveau ministre de l’Intérieur, Henri Mova, qui était jusqu’il y a quelques jours le secrétaire général du PPRD, censé contrôler son mouvement de jeunesse. A Mbuji-Mayi, le Comité laïc a également dénoncé une autre milice, Leja Makanda, instrumentalisée par le pouvoir local, qui se serait rendue coupable d’agressions sur les manifestants.

Pour intimider ses opposants et les dissuader de descendre dans la rue, Joseph Kabila peut désormais compter sur les jeunes de son parti, visiblement parfaitement formés à la défense de son pouvoir et à la répression. Cette stratégie du pire permet à Joseph Kabila de moins utiliser ses hommes en uniforme pour réprimer, et de déléguer la sale besogne à des supplétifs payés pour cela. Un chaos organisé qui fait pourtant redouter aux Congolais, le spectre de la guerre civile.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia

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